Compte-rendu de la visite descriptive du 4 février 2017 au musée des Beaux-Arts de Caen

Le samedi 4 février à 11h, a eu lieu la visite descriptive du deuxième parcours thématique imaginé autour des collections du musée et du Fonds Régional d’Art Contemporain (FRAC) Normandie Caen. Ce parcours, intitulé « Territoires rêvés », regroupe un ensemble de 35 œuvres portant une attention particulière au paysage dans l’art contemporain.
Cette visite a été organisée pour les déficients visuels par le musée des Beaux-Arts de Caen et l’association Cécitix. Elle a rencontré un franc succès car près d’une vingtaine de personnes étaient présentes malgré le temps peu encourageant.

Nous avons été accueillis par Claude Lebigre, conférencière au musée.
Après une petite présentation de l’exposition, elle nous a conduits devant une première œuvre photographique d’environ 2,5 mètres de long sur 1,5 mètre de haut.
Cette photographie a été réalisée en 1995 par deux artistes : Felten et Massinger. Elles ont utilisé le procédé à l’origine de la photographie : la boîte noire. Elles ont aménagé une caravane de la même façon. Elles ont calfeutré le véhicule de manière à le rendre complètement imperméable à la lumière. Puis elles ont fait un trou en guise d’objectif dans la porte et ont appliqué du papier sensible sur le mur opposé. En laissant l’image s’imprimer pendant de longues heures, on obtient une photographie unique.
Le résultat de cette technique est remarquable à plus d’un titre. Tout d’abord, c’est une œuvre unique contrairement à la photographie que nous connaissons tous qui peut se tirer en plusieurs exemplaires.
Ensuite, la lenteur de l’impression du sujet sur le papier sensible permet de jouer avec la réalité. Claude nous a expliqué que les photographes avaient utilisé la même technique pour photographier une place où circulent de nombreux passants. Après une journée, sur le papier ne se sont imprimés que les bâtiments, et les éléments fixes.
Les passants ne sont pas restés suffisamment longtemps devant l’objectif pour impressionner le papier.

La photo qui nous est présentée a été conçue de cette façon. Elle donne l’impression de se trouver devant une peinture. Cette œuvre représente une forêt et, au sol, trois silhouettes, comme des fantômes. Le personnage le plus visible est adossé à un arbre placé au centre gauche. Une autre silhouette apparaît, couchée, encore plus floue au centre droit. Et la troisième est elle aussi couchée au milieu.

Ensuite Claude nous a emmenés vers une autre photographie, elle aussi troublante, réalisée par l’artiste allemand Walter Niedermayr en 1996.
Cette œuvre forme un carré comprenant quatre photos pratiquement identiques. Au premier coup d’oeil, on voit un paysage de montagne avec des chalets et des remonte-pentes. Ces derniers donnent l’impression de se poursuivre d’une photo sur l’autre. Nous avons la sensation d’avoir affaire à un paysage en noir et blanc. Mais en regardant de plus près, nous apercevons de la couleur. En creusant encore un peu nous nous rendons compte que c’est le même pan de montagne qui se retrouve sur chaque photo, il est seulement un peu décalé d’un cliché par rapport à l’autre.

Nous poursuivons notre visite en nous arrêtant devant le triptyque réalisé par l’américain Jim Dine. Son œuvre comprend trois gravures d’une grandeur d’environ 1,6 sur 1,15 mètre. Elles ont été gravées sur du carton avec des outils de jardinage et représentent trois fois la même montagne. La première est fortement éclairée avec beaucoup de neige au sommet, la seconde est un peu plus grise avec un ciel rosé et granuleux, la troisième est encore plus grise avec un ciel obscure. Sur chaque gravure, il est écrit en allemand « sous la montagne » assez lisible sur la première, un peu moins sur la seconde et pratiquement illisible sur la troisième. Les deux dernières gravures ont une figure, sur la deuxième c’est une barbe rouge en lévitation et sur la troisième, se trouve un corbeau noir de profil qui regarde vers la barbe rouge. Ces gravures illustrent la légende de l’empereur allemand Frédéric Barberousse (XIIe siècle).
La légende dit que l’empereur n'est pas mort, mais endormi avec ses chevaliers dans une caverne dans les montagnes de Kyffhäuser en Thuringe, et que lorsque les corbeaux cesseront de voler autour de la montagne, il se réveillera et rétablira l'Allemagne dans son ancienne grandeur. Selon l'histoire, sa barbe rousse a poussé à travers la table auprès de laquelle il est assis. Ses yeux sont à demi clos dans son sommeil mais, de temps en temps, il lève la main et envoie un garçon voir si les corbeaux ont cessé de voler.

En nous retournant, nous découvrons l’œuvre de Pascal Pinaud intitulée « semence ». Ce sont trois grands tableaux de 2,5 sur 1,5 mètre.
L’artiste a posé les toiles à plat sur le sol. Il les a enduites d’un liant blanc avant d’y semer des mines de crayons de couleurs et de pastels. Il a ensuite passé un rouleau à pelouse dessus pour écraser les mines afin qu’elles se mélangent bien au liant. Et pour finir il a poncé le tout.

Claude nous entraîne un peu plus loin pour nous décrire l’œuvre de Pierre Buraglio. C’est un artiste qui se sert beaucoup des objets de récupération. Ici, il a utilisé des cadres de sérigraphie. Dans le premier, disposé en hauteur, nous voyons un baigneur avec un magnifique maillot de bain bleu. Il a la tête penchée. L’artiste a intégré un deuxième cadre placé horizontalement à peu près à la hauteur du buste du nageur. Dans celui-ci nous découvrons un paysage maritime presque abstrait. En dessous, il a intégré un troisième cadre plus petit dans lequel il a fait une énorme tache noire qui pourrait représenter la pollution.

Nous poursuivons notre visite en nous arrêtant devant l’œuvre de Philippe Boutibonn intitulée « l’usine qui brûle ». Cette œuvre est réalisée avec sept enveloppes ouvertes, alignées de manière à représenter un grand bâtiment. Durant l’enfance de l’artiste, une imprimerie a brûlé et cela lui a inspiré cette œuvre. Dans le centre des enveloppes, il a écrit à la machine à écrire des suites de lettres sans signification afin de rappeler l’imprimerie. Pour symboliser le fait que l’usine a brûlé, nous voyons sur le toit de la septième enveloppe une trace de charbon.

Claude a pu nous faire toucher l’œuvre suivante réalisée par Myriam Mechita, intitulée « Territoires rêvés ». C’est cette œuvre qui a donné son nom à l’exposition. Elle a été construite avec des Lego en plastique noir très brillant disposés sur un socle en bois. Cette sculture représente une ville en construction ou en démolition. Il n’est pas possible de le savoir…

Pour terminer la visite, nous nous installons devant l’œuvre de Najia Mehadji. Cette œuvre est une commande du musée de Caen pour illustrer l’un des plus illustres tableaux du musée « le mariage de la Vierge » du pérugin.
Najia Mehadji a représenté les trois principaux personnages de ce tableau par trois figures hexagonales. Celui du centre est un hexagone ouvert, d’apparence bien stable car un des côté est parallèle à la base de la toile. Il est bleu à l’extérieur et rouge à l’intérieur. Cette figure représente le grand prêtre, bien campé sur ses pieds dans l’œuvre originale.
La Vierge et Joseph, eux, sont représentés par des hexagones plutôt instables, comme s’ils étaient posés sur un seul pied, comme ils apparaissent dans l’œuvre du Pérugin.
Le collage a été réalisé avec du papier bleu sur lequel a été appliqué un liant avec du pigment rouge. L’artiste a intitulé son œuvre d’un mot japonais : « ma ». C’est un mot qui peut se traduire de différentes manières en Français. Il peut signifier par exemple le temps, ou le sacré, ou encore le silence.

Une fois de plus, nous remercions Claude pour la description de cette exposition qu’elle a faite avec une grande passion et un savoir-faire incomparables.

Rédigé par Nicolas Fortin, le 20 février 2017.

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