Compte-rendu de la visite descriptive au musée des Beaux Arts de Caen du samedi 6 avril 2013

Le samedi 6 avril dernier, nous avons participé à la quatrième visite descriptive de la saison au musée des Beaux-Arts de Caen. Cet événement culturel était consacré à une œuvre abstraite d'une artiste d'origine portugaise : Maria Elena Vieira da Silva (1908-1992).

C'est une nouvelle fois Pascale FISZLEWICZ qui nous a accueillis puis guidés au niveau inférieur du musée où sont exposées les peintures du vingtième siècle. Après avoir traversé plusieurs salles, nous nous sommes installés devant l'œuvre intitulée « New Amsterdam n°3 » de Vieira da Silva, sujet choisi pour cette rencontre picturale.

Notre conférencière nous a tout d'abord dressé le portrait de l'artiste. Vieira da Silva est née à Lisbonne en 1908. Dès l'âge de onze ans elle commence l'apprentissage du dessin et de la peinture à l'académie des Beaux-Arts de sa ville natale. Grâce à son entourage familial très cultivé, elle a accès très tôt à de nombreux événements artistiques, de la représentation théâtrale aux arts plastiques. En 1928, elle s'installe en France où elle étudie la sculpture avec Antoine Bourdelle ainsi que la gravure avec Stanley Hayter. En 1930, elle se marie avec le peintre hongrois Arpad Szenes. Le couple émigrera au Brésil durant la seconde guerre mondiale et reviendra en France en 1947. Les époux seront naturalisés en 1956. Depuis son retour d'Amérique du sud, Maria Elena Vieira da Silva a vécu et travaillé à Paris où elle s'éteindra le 6 mars 1992. L'artiste a reçu de nombreux prix au cours de sa carrière. Elle s'est notamment vue décerner le titre de Chevalier de la Légion d'Honneur en 1979 par la République française.

Pascale FISZLEWICZ nous indique que le cubisme et l'art abstrait sont ses principales influences picturales. Il en sortira un mouvement nommé « paysage abstrait » dont elle sera une brillante représentante. Maria Elena aime capter un instant de lumière, ce qui se ressent dans l'éclat de ses couleurs. Sa peinture n'est pas le reflet du monde réel mais un autre monde qui pourrait exister. Ses toiles, qui évoquent une sorte de patchwork, dénotent l'inspiration du peintre Pierre Bonnard (1867-1947), en particulier de son tableau « la nappe à carreaux ».
Par ailleurs, on ne peut évoquer Maria Elena Vieira da Silva sans parler de son étroite connivence avec la poésie notamment avec René Char, poète avec lequel elle développera une longue amitié artistique.

Après nous avoir situé l'artiste, Pascale FISZLEWICZ s'arrête sur le tableau qui nous rassemble. C'est une toile toute en hauteur, qui mesure environ 160 sur 80 centimètres. Ce format permet un découpage virtuel en deux parties qui aide à mieux comprendre cette œuvre.
Vieira da Silva aime à représenter son imaginaire sous forme de rectangles qui s'emboîtent les uns dans les autres. Quelques lignes obliques donnent de la profondeur à la peinture et le tout donne une impression de mouvement en contemplant le tableau.

Notre conférencière commence par décrire la partie inférieure du tableau, dont la teinte va du gris foncé au noir. Elle nous situe, dans cette partie, un grand carré aux contours noirs, décalé vers la gauche, son bord supérieur délimitant les parties haute et basse du tableau. Ses côtés mesurent environ 50 centimètres. A sa droite se trouve trois rectangles descendant jusqu'au bord inférieur de la toile, occupant ainsi la largeur restant disponible dans cette partie. Le premier de ces rectangles est blanc, donnant un peu de lumière, et les deux autres sont dans les tons gris bleutés. Sur ces derniers, un trait noir épais est tracé et se prolonge en s'affinant pour finalement disparaître.
Entre le bord inférieur et les figures géométriques déjà décrites, se trouve un long rectangle allongé, divisé en cinq rectangles verticaux, comme des traces de pinceaux de différentes largeurs. Les trois premiers sont noir et mesurent environ un centimètre de large. Le quatrième est plus large. Le cinquième, plus large encore, s'éclaircit vers le brun. L'espace restant qui rejoint le bord droit donne l'impression que la peinture a été raclée par l'artiste.

Le carré noir, mentionné plus haut, est rempli de petits rectangles de tailles différentes faisant penser à des vitraux. Ces figures géométriques sont souvent de couleurs sombres. On peut toutefois y voir des petites notes de couleurs plus vives comme du brun, du rouge, de l'orangé qui donnent un peu de chaleur à cette oeuvre. On perçoit également, dans le carré, des diagonales peintes de façon discontinue, qui projettent le regard vers son centre. Ce centre est d'une couleur uniforme de gris verdâtre et de forme trapézoïdale. A sa gauche, se trouvent de grands rectangles très sombres, presque noirs, éclairés de ci de là par de grandes lignes rouges. La partie supérieure du carré est à dominante vert tendre, jaune caca d'oie et violet.

Pascale FISZLEWICZ nous décrit ensuite la partie supérieure du tableau. Si la partie inférieure fait penser à l'entrée d'un centre commercial par son effet de profondeur et ses petits rectangles colorés, l'espace décrit à présent nous envoie dans les hauteurs. Il évoque les grands buildings de New-York. Les rectangles se font de plus en plus grands, mesurant environ 15 centimètres sur 8. Le choix des couleurs (blanc au-dessus du carré noir) rend cette partie très lumineuse. En remontant sur les côtés nous trouvons du jaune et du vert.

Au centre se trouve un grand rectangle, divisé par une diagonale. Le triangle supérieur est gris et le triangle inférieur est orange. Une fois de plus l'effet de transparence se joue des couleurs car le gris, appliqué sur l'orange, fait ressortir ce dernier, donnant ainsi une impression de flou nuageux.
Au-dessus de ce grand rectangle central nous retrouvons des rectangles allongés blancs avec des nuances de jaune. Et pour finir, l'espace du bord supérieur a été raclé, faisant une bande blanche horizontale.

La complexité de l'art de Maria Elena Vieira da Silva se trouve dans la transparence des couleurs qui se superposent. De fait, plus on s'éloigne de l'œuvre plus les couleurs se mélangent dans l'œil du spectateur, ce qui lui permet de ne pas voir la même chose suivant la distance qui le sépare de la toile.

La description d'un tableau abstrait est assez difficile a transposer dans notre imaginaire, pour nous qui ne voyons pas. Mais elle n'est pas dénuée d'intérêt car elle nous permet de mieux comprendre les sensations qu'un artiste peut faire passer à travers le jeu des couleurs et des formes. Saluons d'ailleurs ici le talent de Pascale FISZLEWICZ qui a réussi le tour de force de nous décrire avec autant de précision que possible cette œuvre si complexe.

Le prochain rendez-vous est fixé au samedi 1er juin à 10H pour la description d'une œuvre impressionniste.

Rédigé par Nicolas Fortin, le 17 avril 2013.

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