Compte-rendu de la description de l'exposition de François Morellet, « imaginer une œuvre abstraite »

Le samedi 20 juin 2015, après la remise au maire de Caen de l'atlas tactile et couleur de la ville par la présidente de l'association Cécitix, nous avons participé à la dernière visite descriptive de la saison au musée des Beaux-Arts de Caen. Celle-ci était consacrée à l'exposition de l'artiste contemporain François Morellet intitulée « imaginer une œuvre abstraite ». Les œuvres de François Morellet sont exposées au musée des Beaux-Arts de Caen du 15 mai au 21 septembre 2015. Cette exposition temporaire a suscité l'intérêt de nombreuses personnes qui ont profité d'être sur place pour découvrir cette artiste soit avec notre groupe soit de façon autonome. Les personnes qui ont souhaité bénéficier de la description réalisée par Pascale FISZLEWICZ se sont regroupées et nous nous sommes dirigés vers la zone du musée consacrée aux expositions temporaires.

En introduction, notre conférencière nous a lu le titre inscrit sur le mur « esprit de suite » et en dessous, il est précisé « 1965 - 2015 ». Pascale en a profité pour nous indiquer que cet artiste a suivi tout au long de sa carrière le même système créatif qui est basé sur les mathématiques. Cependant, une petite différence est notable car au début de sa carrière les titres de ses œuvres étaient très sérieux. A présent, il utilise des titres beaucoup plus loufoques, voire avec des jeux de mots comme « l'art araignée ».

Pascale nous a alors fait pénétrer dans une première salle qui présente une œuvre réalisée avec des néons. En effet, François Morellet n'hésite pas à utiliser différents matériaux pour exprimer ses idées aussi bien dans ses gravures que dans ses sculptures ou sa peinture.

Nous nous arrêtons un instant devant une œuvre du nom de « lamentable », qui représente des cercles parfaits qui semblent tomber lamentablement. Puis nous nous installons dans une deuxième salle pour la description d'un premier tableau de l'artiste.

Notre conférencière nous explique que François Morellet, contrairement à la plupart des artistes, ne cherche pas à mettre du sentiment dans ses œuvres. Lui, au contraire, aspire à en mettre le moins possible. Il est convaincu que « l'art est fait pour ne rien dire », et ajoute entre parenthèses « ou pour tout dire ». Il considère l'art comme « un message sans information », « un terrain vague où le spectateur déballe son pique-nique ».
Il écrit : « Je tenais à vous préciser que tout ce que vous trouverez en dehors de mes petits systèmes vous appartient ». En fait, François Morellet fait une œuvre d'art, mais celle-ci peut être différente suivant la personne qui la regarde car le spectateur participe également à sa création. D'ailleurs, il conseille de ne pas acheter ses œuvres mais plutôt de les fabriquer soi-même à partir de ses catalogues.

Pascale nous décrit ensuite son système basé sur les mathématiques et la géométrie. Dans toutes ses réalisations, il utilise ce système. Tout d'abord, il souhaite que cela soit simple pour intervenir le moins possible : il ne veut pas avoir de choix personnel à faire. C'est également la raison pour laquelle il n'y a que très peu de couleur dans ses œuvres.

Le tableau qui nous est présenté est de forme triangulaire. Il s'intitule « Trois trames et un triangle » et il date de 1971. C'est une peinture sur bois qui mesure 1,75 mètre sur 1,52, qui provient de l'atelier de l'artiste.
Avec le triangle, François Morellet a choisi une forme à forte valeur symbolique : il représente le triangle du sexe féminin, mais aussi l'homme debout en toute stabilité avec la tête au niveau de sa pointe. D'ailleurs, l'idéogramme chinois représentant l'homme est un triangle avec un point au milieu.

Quelques définitions préalables :
- Médiane : droite joignant le sommet d'un triangle au milieu du côté opposé.
- Bissectrice : demi-droite coupant un angle en deux parties égales.

Ici, il s'agit d'un triangle équilatéral, pointe vers le ciel et base vers le sol. Les médianes et bissectrices sont donc une seule et même droite dans chaque angle.
Une première ligne médiane descend de la pointe supérieure en passant par le centre du triangle que l'on appelle centre de gravité (terme ironique lorsque nous connaissons le caractère pas très sérieux de l'artiste). Elle vient rejoindre le centre de la base du triangle.
Le côté droit du triangle est rayé de 22 lignes parallèles à la ligne médiane et nous retrouvons le même schéma du côté gauche. Ces traits sont noirs sur un fond blanc. Un intervalle de quatre à cinq centimètres les sépare et leur épaisseur est d'un demi-centimètre.

L'artiste trace ensuite une bissectrice à partir de l'angle gauche, qui rejoint le centre de gravité. Et, comme pour celles qui descendent, il trace 22 lignes parallèles de chaque côté de cette droite. Cependant, cette fois, les parallèles s'arrêtent au niveau de la première médiane tracée à la verticale.
Ces lignes qui s'entrecroisent font apparaître des losanges du côté gauche du triangle.
Dans l'angle droit, Morellet trace également une médiane qui, elle aussi, rejoint le centre de gravité. Là aussi les parallèles s'arrêtent sur la médiane partant de l'angle gauche. Cela donne de nouvelles formes géométriques.

Le regard suit une droite puis des parallèles, pour découvrir des losanges et enfin des hexagones. Cela forme tout un jeu de figures qui se font et se défont, rappelant les mosaïques musulmanes de Grenade.

Après cette description, nous quittons nos chaises pour nous diriger vers une autre salle abritant une œuvre plus récente de cet artiste. En chemin, nous passons devant une sculpture rappelant le tableau que nous venons de quitter puis devant un tableau rond appelé un tondo.
En poursuivant notre parcourt, Pascale nous explique que François Morellet aime jouer avec les tableaux eux-mêmes. Il accroche par exemple des cadres dans lesquels il n'y a rien mais ce sont les diverses façons de les agencer qui suscitent l'intérêt des spectateurs. Elle nous parle également d'une œuvre réalisée à partir du tableau « l'enlèvement d'Hélène » de Lucas Giordano. A la place des visages, Morellet a mis une toile blanche au format portrait.

Une fois installés devant la seconde œuvre retenue pour une description approfondie, notre conférencière nous indique que ce tableau s'appelle « pi et pli rouge » » et qu'il date de 2008. Elle nous précise que le nombre pi a beaucoup influencé Morellet à partir de 1998 et qu'il a créé de nombreuses œuvres à partir de celui-ci en utilisant l'interminable suite de décimales de ce nombre mystérieux.

L'œuvre placée devant nous est divisée en quatre carrés. Pascale commence par nous décrire le carré supérieur gauche, composé uniquement de lignes noires très fines comme des traits d'encre. Ces lignes forment une sorte de constellation. Elles peuvent également faire penser à la queue d'une comète. Certaines de ces lignes se prolongent dans le carré inférieur droit qui, lui aussi, est composé uniquement de traits noirs. Ces lignes parfois se croisent pour former un triangle.
Les deux autres carrés apportent de la couleur au tableau car l'artiste a utilisé un rouge écarlate. Le carré supérieur droit est fait presque entièrement de rouge, à l'exception des figures formées par les lignes débordant du carré de gauche.
Le carré inférieur gauche, lui, a une certaine harmonie entre le blanc et le rouge. En effet, les deux couleurs sont présentes dans ce carré dans d'égales proportions.
Il vient conclure l'ensemble, ce qui rend celui-ci très harmonieux au regard du spectateur.

Nous regrettons seulement de ne pas avoir pu bénéficier de supports tactiles pour ces deux œuvres, ce qui nous aurait sans doute permis de mieux comprendre les enchevêtrements de traits, fort complexes malgré l'excellente description de notre conférencière.

Je profite d'ailleurs de ce compte-rendu pour remercier chaleureusement Pascale FISZLEWICZ Pour les merveilleuses descriptions qu'elle nous a fait partager pendant ces six années de visites descriptives organisées pour les aveugles et malvoyants au musée des Beaux-Arts de Caen.
Au nom de tous, un grand merci et une excellente retraite à toi Pascale.

A la rentrée, nous reprendrons avec plaisir une nouvelle saison de visites descriptives, avec Claude Lebigre que nous avons déjà eu la chance d'entendre lors de la description de l'œuvre du sculpteur Alain Kirili, au mois d'avril 2014.

Rédigé par Nicolas Fortin, le 29 juin 2015.

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