Compte-rendu de la visite descriptive au musée des Beaux-Arts du 8 février 2014.

La troisième visite descriptive au musée des Beaux-Arts de Caen de la saison 2013-2014, a eu lieu le 8 février. Elle était consacrée à un tableau de François Boucher (1703-1770), nommé « pastorale ou jeune berger dans un paysage ».

Pascale Fiszlewicz nous a accueillis dans le hall du musée puis guidés dans la salle du sous-sol où est exposé le tableau qui fait l'objet de notre visite.
Une fois que tout le monde est installé, elle nous distribue des représentations du tableau en relief pour nous aider à nous faire une image mentale de cette peinture.

Notre conférencière commence par nous faire remarquer que ce tableau est au format paysage, d'environ un mètre vingt sur quatre-vingt centimètres. Et c'est bien en effet un paysage que représente cette œuvre. Une de ses particularités est qu'il n'y a pas de ligne d'horizon. L'œil est aspiré par une spirale qui l'entraîne dans l'infini tout au fond du tableau. C'est donc une peinture en mouvement qui s'offre à nous comme si elle était secouée par une tornade.

Ensuite Pascale nous décrit ce paysage tourmenté en commençant par les nuages. Ceux-ci contribuent, par leurs formes et leurs positions, à cette grande spirale. Au dessus des nuages, on aperçoit le ciel bleu. Le soleil n'est pas physiquement présent sur cette toile, mais sa luminosité montre bien que c'est un paysage peint en pleine journée.

Le paysage terrestre fait penser à un parc à l'anglaise, très pittoresque, comme le dix-huitième siècle en était friand. Il est donc très varié et sans symétrie. On y aperçoit des ruines, ce qui attise l'émotion. Et sur la droite, se trouve un talus sur lequel pousse de l'herbe de façon horizontale. Dans cette partie du paysage nous voyons également un arbre courbe tout en tronc avec quelques feuilles en haut du tableau qui retombent mollement, donnant une impression de fouillis.
Devant le talus se trouve un feuillage, composé d'herbes folles, d'une fleur avec des clochettes roses, une autre avec des clochettes blanches. D'autres herbes folles et d'autres fleurs animent de blanc, de rouge et de jaune cet angle inférieur droit.
Le feuillage va se poursuivre sur tout le bord inférieur du tableau de façon désordonnée jusqu'à l'angle gauche. Là, un tronc d'arbre mort, recouvert de mousse jaune et verte, forme une diagonale qui vient vers nous. La disposition naturelle de cette végétation fait penser à un paysage paradisiaque. Sur le même plan, nous voyons également un sphinx en pierre, rappelant l'Égypte ancienne. Ses yeux mi-clos nous invitent à la poésie et à la rêverie.
On trouve dans cette œuvre un mélange de la pierre et de la nature, un mélange nature culture exprimé ici de manière très simple.

Au deuxième plan, du côté gauche, on retrouve le talus, ainsi qu'un terrain accidenté sur lequel trône un arbre lui aussi avec un tronc biscornu. Nous ne pouvons pas voir la totalité de son feuillage car il dépasse le bord supérieur du tableau. Cet arbre forme une sorte de parasol agrémenté de petites feuilles vertes et jaunes. Au pied de ce terrain accidenté est peint un grand vase antique posé sur un piédestal très solide. C'est sur ce piédestal que se repose notre berger. Le vase est gigantesque, plus grand même que le berger qui, lui, fait à peu près le tiers du tableau. Les formes du vase, toutes en courbes, sont très féminines. Son pied est évasé et, en remontant, nous voyons un premier renflement tout en arrondi, avec une sorte de poignée qui forme tout un enroulement. Ensuite il se rétrécit à nouveau. Dans la partie médiane est sculpté un bas-relief représentant deux femmes nues symbolisant l'amour. Enfin la partie supérieure s'évase, ce qui permet de voir toute sa corolle par en dessous. Cela fait penser à un champignon. Ce vase est en pierre et, par endroit, il est recouvert de fine mousse. Cela lui donne beaucoup de poésie.
Le soleil est très présent dans ce tableau, même s'il n'apparaît pas dans le ciel. Sa luminosité se projette sur la sculpture centrale du vase.

Au troisième plan nous apercevons, derrière le terrain accidenté, une autre sculpture représentant des figures, noyées dans le lointain, appartenant probablement à un autre élément d'architecture.

Autour du petit berger, on aperçoit quelques moutons et d'autres qui sont encore en contrebas. Le berger est de dos. Il se tient penché, formant une magnifique oblique. L'un des moutons est couché à ses pieds.
Au pied des moutons, tout en bas du tableau, nous distinguons une nappe d'eau qui se confond avec la végétation. Elle est circonscrite par des petits buissons faisant penser à un bocage normand. Le feuillage est difficile à percevoir car de grands effets d'ombre et de lumière en cachent les détails. Nous apercevons simplement de grandes masses de clarté verte et jaune bleutée.

Le dernier plan est cette nature qui s'éloigne dans l'infini, au fond de la spirale. Lorsque le regard se perd dans le lointain, il rencontre les nuages gris et bleus se mouvant au dessus de la nappe d'eau. Ces nuages forment une ligne circulaire accompagnée par une grande feuille qui sort de derrière le grand vase, un grand arbuste très fin qui vient épouser cette forme circulaire. Tout à fait au centre de ce tourbillon, les nuages s'éclaircissent et prennent une teinte rosée qui évoque le jeu du soleil sur les nuages. Au cœur de la spirale, cela devient tout blanc, donnant une perspective qui vous emmène dans le lointain.

C'est un tableau très complexe sur le plan de la composition et du du graphisme. C'est une œuvre extrêmement poétique.

Notre conférencière nous a gardé la description du petit berger pour la fin. Ce personnage est très joli. Du moins notre imagination le suppose-t-elle car il nous est présenté de dos. En fait, le personnage qui brille par son absence, c'est la bergère. Dans ce tableau nous ne pouvons que l'imaginer comme hantant les pensées du petit berger... Cette œuvre est une invitation aux plaisirs de l'amour.

Le berger est habillé à la mode des comédiens de l'opéra comique. Cette idée doit venir du fait que Boucher a beaucoup travaillé pour la décoration des théâtres à cette époque. Pascale commence par nous décrire les chaussures du berger, qui sont très dix-huitième siècle, donc très fines, très élégantes. Son mollet, galbé, est couvert d'un bas blanc. Puis, en remontant sa jambe, nous découvrons qu'il porte une petite culotte bleue nouée au genou par un ruban de même couleur. Ensuite nous voyons sa cuisse, très fine, bleue également, avec quelques empâtements de blanc pour donner de la lumière. Pour assortir avec le bleu, il a une belle chemise rose et il porte sur lui un drapé jaune très tendre. Enfin il est revêtu d'une cape rouge assez soutenu qui l'enveloppe comme une sorte de coque.
Boucher est vraiment un peintre de la couleur.

Le berger a replié les bras devant lui, ce qui ne nous laisse voir que son avant-bras et son coude droit. Nous apercevons également sa main gauche qui tient son bâton de berger, accompagnant la diagonale de son corps. Sa tête est recouverte par un grand chapeau de paille avec un ruban bleu qui l'entoure et retombe derrière. Son bâton dépasse de sa tête et nous le voyons à nouveau dépasser entre ses jambes. Il a une posture très reposée car il prend appui avec sa jambe gauche sur ce bâton.

Ensuite, notre conférencière nous situe le peintre dans son époque. C'est un artiste très prisé à la cour. Il représente avec Fragonard la quintessence de la peinture française du dix-huitième siècle, autrement dit la poésie française de l'amour. Il a une formation académique puisqu'il se forme à l'académie royale des Beaux-arts. Il obtient le grand prix de Rome. Puis il se rend à Rome par ses propres moyens. A son retour, il devient le peintre de la marquise de Pompadour. Il travaille également sur des cartons de tapisserie pour les Gobelins et fait des petits sujets appelés « biscuits ». Enfin, il est consacré lorsqu'il est nommé directeur de l'Académie Royale de Peinture.

Après que Pascale ait répondu à nos questions, l'heure est venue de nous séparer et de repartir avec plein de couleurs et de poésie dans la tête. Une fois de plus elle a su nous faire partager la beauté d'une œuvre avec conviction.

Rédigé par Nicolas Fortin, le 16 février 2014.

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