Compte-rendu de la visite descriptive au musée des Beaux-Arts de Caen du 5 mai 2012

Le samedi 5 mai, nous avons assisté à la dernière visite descriptive de la saison organisée par le musée des Beaux-Arts de Caen. Cette visite était consacrée à l'exposition temporaire de scultures de l'artiste chinois Huang Yong Ping installée dans le parc du château de Caen.

C'est Isabelle Maarek qui nous a guidés et qui nous a décrit l'exposition. Dans un premier temps, nous nous sommes rendus sur place, au milieu des douze mâts plantés dans la pelouse du château. Nous avons pu toucher le bas des mâts de bois et Isabelle nous a décrit leur disposition ainsi que leurs impressionnantes dimensions. Le plus haut des mâts mesure environ 15 mètres et ils sont enfoncés d'au moins 1,5 mètre dans la terre. Nous avons pu constater les ravages du temps sur le bois notamment à leur pied par la remontée de l'humidité venant du sol.

Cette exposition a été créée pour la Biennale de Venise de 1999 où Huang Yong Ping représentait la France au côté de Jean-Pierre Bertrand.
L'animosité entre ces deux artistes était telle que J.P. Bertrand détruisit le sol afin que les visiteurs ne puissent venir admirer les sculptures de Huang Yong Ping. Mais ce dernier trouva la parade en perchant ses œuvres sur des mâts, les élevant ainsi au-dessus du toit du pavillon. Les visiteurs purent dès lors les regarder de l'extérieur, juste en levant le nez. C'est ainsi qu'est née cette installation originale.

Huang Yong Ping s'est lui-même déplacé à Caen afin d'y disposer les mâts tel qu'il le souhaitait pour mettre en valeur son œuvre. Dans le parc du château, la hauteur des mâts permet de voir les scultures depuis l'extérieur de l'enceinte.

Notre conférencière nous a ensuite décrit les scultures massives et rugueuses exposées sur les mâts. Il s'agit d'animaux monstrueux, en fonte d'aluminium, d'une taille imposante (environ 1,3 mètres sur 50 centimètres). Ces créatures sont toutes tournées dans la même direction. Ce sont des animaux légendaires empruntés au plus ancien guide du voyage chinois : Le livre des montagnes et des océans vieux de 2300 ans. Chaque animal annonce une catastrophe ou un épisode du voyage :
Le serpent à deux queues annonce une grande sécheresse.
Le buffle à quatre cornes avec des yeux d'hommes et des oreilles de cochon de même que le renard à neuf têtes et neuf queues, sont des animaux canibals.
Le coq à tête humaine est annonciateur de la guerre.
Le poisson volant, quant à lui, permet à qui le mange de résister à la guerre.
Le sanglier à tête d'homme annonce une inondation.
L'aigle à une patte, la tête tournée vers la queue, prévient qu'une grande épidémie se prépare.
Le serpent à neuf têtes humaines alignées trois par trois, formant une sorte de carré, indique un marécage.
Le singe à tête d'homme avec des grandes épines sortant de ses yeux a un double caractère : il peut donc représenter un heureux comme un malheureux présage.

Dans ce parc, trois des mâts ne sont pas surmontés de scultures. On y trouve également un char directement posé sur la pelouse. Il semble qu'un de ses côtés s'est enfoncé dans le sol, de sorte que le char est penché sur le côté. Il est en bois noirci, surmonté d'un personnage en fonte représentant un chinois avec une sorte de chignon et vêtu d'une robe. Ce personnage est dressé et son doigt pointe dans la direction où sont orientée les scultures. Le char est en fait une boussole mécanique inventée par les chinois au troisième siècle, et le doigt pointé de son guide indique le Sud. Placé au cœur de ce défilé d'animaux, il retient le mauvais présage en même temps qu'il oriente et guide le voyageur.

Ainsi, cet ensemble de sculptures se présente tel une métaphore du voyage, lui-même symbole de la destinée humaine et de sa lutte avec la nature.

Nous nous sommes ensuite installés dans la gallerie du café Mancel où nous avons pu toucher des représentations en papier plume de certaines des créatures exposées.

Enfin, Isabelle Maarek nous a présenté l'artiste, Huang Yong Ping. Issu d'une famille de sept enfants, il est né en 1954 à Xiamen, en Chine. Son père, marchand de thé, avait l'habitude d'écrire au pinceau, et peignait également. Huang Yong Ping se posait toujours la question : pourquoi peindre les objets ? Pourquoi ne pas les coller directement sur la toile ? C'est à partir de ces réflexions qu'il conçut des installations en tenant toujours compte de l'endroit où l'œuvre est exposée.

En 1986, il fonda un mouvement appelé « Xiamen Dada », en référence d'une part à sa ville natale et d'autre part au mouvement dadaïste qui naquit au début du vingtième siècle en Occident. Il le mit en relation avec le zen de la culture chinoise. Huang Yong Ping trouvait que l'art contemporain chinois avait 50 ans de retard sur l'art contemporain occidental.

Notre conférencière nous cite alors quelques exemples d'expositions chinoises un peu particulières afin de nous rendre compte du contexte propre à l'art contemporain oriental. Lors d'une exposition, l'artiste demande aux personnes qui arrivent d'apporter quelque chose de l'extérieur et de le mettre dans le bâtiment. Comme les chinois à cette époque n'achètent pas encore d'œuvre d'art contemporain, l'installation sera brûlée mais seulement après avoir pris soin de filmer toutes les étapes de la création et de la destruction de l'exposition.

En 1989, invité pour l'exposition « Les magiciens de la terre » au centre Georges Pompidou, Huang Yong Ping s'est installé en France. Lors de cette exposition, il présenta une machine à laver sur laquelle il avait écrit en Chinois et en Anglais « machine à laver trouvée à Paris, elle lave très mal le linge mais je m'en sert encore ». Il l'utilisa ce jour là pour laver deux livres, un sur l'art chinois et l'autre sur l'art occidental, un geste qui symbolisait bien le mélange des deux cultures.

A cette époque, le grand rêve des artistes chinois était d'exposer à la « Documenta ». Cela représentait pour eux la consécration de leur talent. Au cours de ces années, c'était surtout les occidentaux qui achetaient les œuvres créées par les artistes chinois. Mais petit à petit, les Chinois ayant de plus en plus d'argent, ils se mirent également à acheter de l'art pour renforcer leur statut social. Les Chinois n'ont pas la même motivation pour choisir une œuvre d'art que les occidentaux. Ils tiennent compte de la couleur de leur intérieur avant d'acquérir une nouvelle création artistique.

Pour finir cette description, Isabelle Maarek nous a lu des passages de textes concernant l'évolution de l'art contemporain chinois fortement liée à la vie politique des dernières décennies dans ce pays. Cela suscita de nombreux échanges avec les participants de cette visite.

Rédigé par Nicolas Fortin, le 20 mai 2012.

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