Compte-rendu de la visite descriptive au Musée des Beaux-Arts du 12 octobre 2019

Pour cette première visite descriptive de la saison, c'est Lise qui nous a entraînés dans les collections permanentes du Musée des Beaux-Arts de Caen, à la découverte de Rubens.

Lise nous a fait traverser la galerie de portraits, pour arriver dans la septième salle du musée consacrée aux grands formats. On y trouve 15 grands tableaux.
Celui de Rubens intitulé Abraham et Melchisédech, mesure 2,03 mètres de haut par 2,5 mètres de long. C'est un des plus grands tableaux de cette salle.

Le tableau est arrivé à Caen au milieu du 19e siècle. Confisqué par Napoléon aux Prussiens, il a été attribué au musée de Caen. Après la chute de Napoléon, en 1815, des émissaires allemands sont venus réclamer le tableau. La légende dit que pendant qu’Elouis, le conservateur, disait que le musée ne l'avait pas, il était sous la nappe, faisant office de table.

On y voit 5 personnage à gauche, 8 à droite. L'œuvre représente la rencontre entre Abraham (à gauche) et Melchisédech à droite.

Abraham est en armure, avec comme une jupe de métal, un casque et une grosse barbe. Vêtu d'une grande cape rouge, il tient dans sa main droite une canne. On lui voit une épée au côté. C'est le fils de Sem, petit-fils de Noé.
Dieu Lui demande de quitter sa ville d'Ur et de se rendre en Palestine.
Il va aller à Sodome libérer son neveu. Au retour il va s'arrêter à Jérusalem où il rencontre Melchisédech. Celui-ci est en adoration. Il est vêtu de rouge, en habit religieux.
Abraham va lui donner 1/10e de son butin et Melchisédech lui donne du pain et du vin. Au pied de Melchisédech, on voit une corbeille emplie de boules de pain. Au pied d'Abraham, près de la corbeille de pain, il y a un chien, un épagneul breton. Il a le museau tendu vers le haut, vers les mains qui s'échangent le pain.
Au pied de Melchisédech, il y a une aiguière, un grand vase, empli de vin. A droite, au premier plan, un esclave nu, accroupi, soulève une aiguière qui semble très lourde. Le tableau exprime l'effort musculaire, la force de cet homme. Tout son dos est très musculeux. On voit ici que le talent de Rubens est le travail des chairs.
Juste derrière ce personnage, un autre esclave est debout et le surplombe. Il porte des corbeilles de pain.
On trouve ces mêmes personnages dans un autre tableau : les rois mages.
Entre Abraham et Melchisédech d'autres personnages s'échangent le pain.

Dans le tableau, seul le cheval, complètement sur la gauche, derrière Abraham, regarde le spectateur.

Il y a en outre un personnage qu'on ne remarque pas tout de suite : un petit enfant esclave, dont on ne voit que le visage qui dépasse de derrière l'esclave à la corbeille de pain.

L'armure d'Abraham est très détaillée, très nette, technique flamande.
Au contraire, les visages sont plus fondus, à l'italienne.

S'agissant du cadre, les personnages sont réunis dans une salle en pierres. Au fond on voit une arche qui ouvre sur le ciel. L'arche, symbole de l'alliance, comme le pain et le vin symbolisent l'eucharistie.

L'esclave accroupi est vêtu d'un pagne bleu et celui qui se tient debout porte un pagne vert.
La tête du cheval est blanc crème, le chien est roux. Ce sont plutôt des couleurs chaudes qui se dégagent du tableau. Il y a beaucoup de rouge, la couleur du baroque. Cette couleur symbolise le sang du christ, la passion.
Le capuchon de Melchisédech est en velours rouge brodé d'or.
Ce qui ressort, c'est la couleur de la peau. En outre, la restauration du tableau a révélé les différentes couches picturales superposées.
Ainsi le pied de l'esclave est bleuté car les couches de jaune et rouge qui le recouvraient ont été délavées.
Rubens était un grand coloriste. On opposait d'ailleurs les rubénistes aux poussinistes qui privilégiaient le dessin plus que les couleurs.

On n'a découvert que ce tableau était un Rubens qu'au moment de sa restauration en 2008. Il s'agissait à l'origine d'une peinture sur bois qui a été par deux fois transposée sur toile : une fois en 1961 et auparavant en 1830. Cette technique de transposition est assez courante. Pour cela, on décolle la couche picturale qu'on redépose sur un autre support.

Rubens était un diplomate, un homme de cour. Il parlait six langues (néerlandais, latin, italien, espagnol, allemand et français). Il est né en Allemagne en 1577. Son père, calviniste, a dû fuir Anvers. Les protestants abolissant le culte de l'image, Rubens n'a vu sa première peinture qu'à l'âge de 10 ans.
A 23 ans, il part à cheval à Rome. En passant à Venise, il admire le Titien, Caravage, Véronèse. A Mantoue, il découvre la collection de la famille Gonzague. Il va y rester quelques temps avant d'aller à Rome avec son frère. Il rentre à Anvers quand sa mère tombe malade. Il arrive trop tard mais reste à Anvers. On peut toujours y voir sa maison qui, comme sa peinture, mélange style italien et flamand.

Rubens avait été anobli par la cour Française et Anglaise notamment.

Il refusait plus d'une centaine de peintres par an qui demandaient à travailler dans son atelier.
Très érudit, il était capable de peindre tout en discutant et en écoutant des textes en latin.

Il est passé au travers de la peste à Anvers. Mais sa femme, Isabella Brant, en est morte.
Brueghel de velours, le frère de Brueghel le jeune, qui était son élève, est également mort de la peste, de même que nombre de ses collaborateurs.

Rubens, né en 1577, est mort en 1640. Il s'est marié deux fois : à 32 ans, tandis que sa femme en avait 18, puis à 53 ans, alors que sa femme en avait 16. Le fonds de l'atelier de ce peintre prolifique compte près de 1.500 tableaux.
Nous remercions Lise pour cette description passionnante, agrémentée d'un dessin en relief très bien conçu nous permettant de nous faire une représentation mentale des formes et des proportions.

Rédigé par Emmanuelle Gousset, le 6 novembre 2019.

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