Compte-rendu de l’escapade nature à Luc Sur mer du 22 août 2015

Ce samedi 22 août, par un chaud soleil d’été, nous avions rendez-vous pour une escapade nature organisée par le CREPAN (Comité Régional pour la Protection et l’Aménagement de la Nature), en partenariat avec Cécitix et la ville de Luc-sur-Mer dans le parc de la baleine. Au programme, « six arbres et une baleine ». La visite était composée de trois parties : la première concernant six arbres remarquables du parc, la deuxième sur la baleine et la troisième consacrée à un rafraîchissement assorti d’un petit historique de l’arrivée de la baleine à Luc sur Mer.

A 15 heures, Annick Noël, vice-présidente du CREPAN, a accueilli les quelques 25 participants, dont, pour Cécitix, Bernadette et moi-même. Elle a tout d’abord tenu à remercier Madame Anne LEGOUX, conseillère municipale de la ville, et grand-maître de la confrérie de la baleine, Pascal LAMY, historien, et Nicole BLOQUEL, notre guide botaniste.

Cette dernière nous a tout d’abord expliqué que le jardin a été planté vers la moitié du 19e siècle.
A cette époque, il était à la mode de planter des espèces exotiques.
C’est pourquoi on trouve dans ce parc quelques arbres peu courants dans notre région.

Nous avons d’ailleurs commencé notre parcours par le séquoia. Cet arbre a longtemps été considéré comme le plus grand arbre vivant. Il peut en effet atteindre 70 mètres de haut (comme dans le Colorado).
C’est pourquoi les scientifiques l’ont appelé « sequoiadendron giganteum » ou séquoia géant. Toutefois, celui du parc n’est pas particulièrement haut. En revanche, il semble avoir compensé sa petite taille par une imposante ramure. Ses feuilles sont en forme de petites pointes ou d’écailles, et d’un vert assez foncé. L’extrémité des rameaux, de couleur un peu jaunâtre, nous indique que l’arbre est en train de fleurir. Apparaissent d’abord les fleurs mâles, puis les femelles qui, elles, donneront le fruit, le cône, qui ressemble à une petite pomme de pin. Car le séquoia est un conifère, de la famille des cyprès. A ce point de notre étude, un visiteur à plume s’est joint à notre groupe, en la personne d’un magnifique paon bleu. Mais nous nous en sommes détournés pour toucher l’écorce du séquoia qui est très épaisse, un peu molle et feutrée. Il s’agit en fait de nombreuses couches de lièges de 40 à 50 centimètres d’épaisseur, protégeant le bois de l’arbre contre les rigueurs climatiques. C’est sans doute ce qui lui vaut sa robustesse. Jusque dans les années 50, c’était d’ailleurs l’arbre considéré comme le plus longévif. Depuis, on a découvert sur le continent nord-américain des pins beaucoup plus vieux que les séquoias. Le doyen d’entre eux est âgé de plus de 4.000 ans.

Nous avons poursuivi notre exploration par le Ginkgo biloba, aux petites feuilles en éventail. C’est un arbre que l’on trouve, aujourd’hui encore, dans la cour des temples au Japon ou en Chine. C’est en effet probablement d’Asie qu’il serait originaire. Cet arbre supporte particulièrement bien la pollution urbaine, notamment les gaz d’échappement. C’est pourquoi il est souvent planté au bord des rues. On en trouve à Caen par exemple le long du boulevard Yves Guilloux.
Le Ginkgo vit très longtemps, jusqu’à 1.000 ans. Son espèce comprend des arbres mâles et des arbres femelles. Ces derniers font de petites baies jaunes, comme des mirabelles, mais très malodorantes. Il s’agit des ovules de l’arbre. Car le Ginkgo est une plante primitive qui n’a pas appris à faire de fruit. En raison de ces baies malodorantes propres aux Ginkgo femelles, on ne plante que des arbres mâles dans les villes. On trouve toutefois un Ginkgo femelle au jardin des plantes de Caen.

A ce moment de la visite, Annick a donné la parole à Gérard MOUCHEL, spécialiste du Ginkgo Biloba. Ce dernier nous a expliqué comment, à partir de ces ovules, dont Jean-Marie Pelte décrit l’odeur comme étant entre le poisson pourri et le beurre rance, il a extrait les graines pour les faire germer et créer de jeunes pousses de ginkgo. Cet arbre est célèbre dans le monde entier car, en 1946, un an après que la bombe atomique a détruit Hiroshima, la seule plante qui soit parvenue à repousser est le ginkgo biloba. Ce nom de Biloba est dû au botaniste Linné en raison de la forme de cœur de ses feuilles, c’est-à-dire bilobées. Il est aussi appelé « arbre aux quarante écus ».
En Chine et au Japon, cet arbre est quasiment sacré. Tout jeune qui entre dans l’enseignement supérieur se voit offrir par ses parents des feuilles de ginkgo pour lui souhaiter un enseignement intéressant. La plupart des grandes universités japonaises arborent d’ailleurs une feuille de ginkgo dans leur logo.
Cette plante est également utilisée en pharmacologie pour ses propriétés bénéfiques sur le plan veineux.
On a retrouvé des traces de ginkgo biloba fossilisés jusque dans des couches de l’ère secondaire, soit environ 200 millions d’années.

Après cet exposé, nous nous sommes dirigés vers un arbuste plus connu dans nos contrées, le houx. Mais contre toute attente, celui-ci n’avait pas de feuilles piquantes. Il semble que le houx ne fasse de feuilles épineuses que pour se protéger contre les broutteurs. Plus en hauteur, hors de portée de ces prédateurs, il fait des feuilles ovales, parfaitement lisses. Il fournit de petites baies vertes, qui deviennent rouges au mois de décembre.

Annick a fait une nouvelle aparté pour remercier Monsieur gimer, jardinier en chef, responsable des espaces verts de la ville de Luc sur Mer, qui a permis de préparer la visite et de sélectionner les arbres à étudier, grâce à ses conseils et explications avisés.

Parmi ces arbres remarquables, nous avons pu toucher l’orme, emblématique des actions du CREPAN. En effet, dès le début de la maladie (la graphiose), dans les années 70 – 80, Josette Bénard, alors présidente du CREPAN, a lancé l’action « sauvons les ormes ». Son but était de surveiller les plantations pour comprendre l’origine de la maladie. Malheureusement, celle-ci demeure mystérieuse. Toutefois, le repérage des ormes sains permet de rechercher les raisons pour lesquelles ils ne sont pas affectés.
Le CEMAGREF reproduit des plans d’arbres sains dont la résistance à la graphiose a été vérifiée. Ces jeunes pousses résistantes sont réimplantées et toujours suivies par le CREPAN. Celui-ci réalise d’ailleurs un atlas de ces arbres. Tout promeneur qui repère un orme en bonne santé peut le signaler au CREPAN.

On le reconnaît à sa feuille rêche en dessous et dentelée sur les bords, mais surtout à ses limbes, plus longs d’un côté que de l’autre.
Sur certaines feuilles, on peut sentir une petite boursouflure. Il s’agit de la « cicatrice » que la feuille a fabriquée suite à la ponte d’un insecte.
Les ormes fleurissent très tôt, en février mars, et donnent des fruits comme de petites pièces de monnaie transparente qui se dispersent au vent.

Le cinquième arbre objet de notre attention était un arbousier, aussi appelé « arbre à fraises ». C’est un petit arbre des régions aux hivers tempérés, plutôt autour du bassin méditerranéen. Ses feuilles sont allongées, un peu cireux et plus foncé dessus que dessous. Le bord est très légèrement dentelé. L’arbousier étant de la famille des bruyères, ses petites fleurs blanches en forme de clochettes ressemblent à celles des bruyères. Ses fruits, qui poussent en grappes de petites boules, ont la couleur et le grain des fraises. Les arbouses sont consommées notamment en Asie, mais n’ont pas un goût très agréable. L’arbousier, qui peut atteindre jusqu’à 10 mètres, est l’une des plus grandes plantes de la famille des bruyères.

Nous avons terminé notre exploration arboricole par le chêne vert, aussi connu des cruciverbistes sous le nom de yeuse. A la différence du chêne commun, ses feuilles sont régulières, très lisses sur le dessus, et couvertes de petits poils en-dessous. Ses petits poils retiennent l’eau. C’est pourquoi le chêne vert est un arbre que l’on peut trouver dans des régions assez sèches ainsi qu’en zones côtières puisqu’il supporte les vents et les embruns salés. Il peut perdre jusqu’à la moitié de son feuillage pendant les hivers froids. L’autre moitié est donc persistante. Il se renouvèle au printemps. Ses feuilles mortes, qui deviennent très dures en séchant (comme du cuir ou du carton), ne pourrissent pas facilement.

C’est ainsi que s’est achevée notre découverte botanique. Puis nous nous sommes rapprochés du squelette de la baleine afin d’écouter Monsieur Francis Bénard, professeur de biologie à l’Université de Caen et co-fondateur de la Maison de la Baleine.

Photo de Nicole, Bernadette, Emmanuelle et Annick dans le parc de Luc-sur-mer< /></p>

<p>Légende de cette photo :<br />
Cette photo a été prise dans le parc de Luc-sur-mer. De gauche à droite nous voyons Nicole de dos présentant les arbres de ce parc.  ensuite viennent Bernadette, Emmanuelle et Annick.</p> 

<p>La baleine dont le squelette est présenté dans ce parc a une forme très effilée, loin de l’image habituellement reproduite de baleine à bosse ; Il s’agit ici d’une baleine à ailes en raison de sa nageoire dorsale.<br /> Chez les cétacés, les os ne sont pas solidaires, joints par des cartilages rigides comme chez les autres mammifères. Les os sont très éloignés les uns des autres. C’est ce qi fait la souplesse de l’animal.<br /> Mais c’est aussi ce qui fait que, à l’échouage, la baleine s’effondre sur elle-même et meurt faute de pouvoir respirer. En effet, la cage thoracique s’effondre, les côtes, trop lourdes, ne peuvent plus s’écarter sous la puissance du diaphragme. Privé de son oxygène vital, l’animal ne peut que succomber. En effet, c’est un mammifère qui dépend entièrement de l’air qu’elle inspire par des orifices situés à l’arrière de sa tête. La tête de notre baleine, très allongée, est dotée d’un rostre muni de grilles pour filtrer sa nourriture : les fanons. Les omoplates supportent les nageoires latérales. 
En observant de plus près le squelette, on remarque des os correspondant aux restes d’un bassin et de membres arrière. Cela signifie que la baleine dérive d’un quadrupède et est donc bien à classer parmi les mammifères. Elle porte mamelles et allaite son petit. Mais les cétacés sont les seuls mammifères totalement indépendants de la terre.</p>

<p>Parmi les cétacés, on distingue les odontocètes, comme les dauphins, qui sont des cétacés à dents, et les mysticètes, ou cétacés à moustaches, c’est-à-dire à fanons, comme la baleine.</p>

<p>Cette dernière est munie de sept vertèbres, tassées les unes sur les autres, ce qui ne lui permet pas de bouger la tête indépendamment du corps. Ensuite, la colonne vertébrale s’interrompt brusquement. En effet, il n’y a pas d’os dans la queue de la baleine. Il s’agit d’une nageoire, création postérieur dans le schéma des cétacés.<br />
Au centre du squelette, on distingue la cage thoracique ainsi que l’équivalent de deux bras, atrophiés.</p>

<p>La baleine est un rorqual, c’est-à-dire dont la gorge est rayée. C’est en fait une énorme poche qu’elle a sous la gorge et qui est constituée d’une multitude de rainures en accordéon. Cette poche va ainsi pouvoir se gonfler lorsque l’animal va se nourrir, se remplissant de faune et de flore marine. Puis ce contenu va être filtré au travers des fanons avant d’être avalé.</p>

<p>Comme indiqué plus haut, les naseaux de la baleine son situés sur le dessus de sa tête de manière à ce qu’elle puisse respirer en se tenant juste à fleur d’eau. Elle inspire une grande quantité d’air puis le rejette brusquement. Cet air qu’elle rejette est chaud et chargé d’humidité. Si bien qu’au contact de l’air froid extérieur, il va se condenser. C’est cette condensation qui forme ce qu’on prend généralement pour un geyser d’eau.</p>

<p>Les oreilles de la baleine étant dépourvues de tympan et quasiment bouchées, elles ne lui permettent pas d’entendre. En fait, elle entend par ses mandibules qui transmettent des ondes à un os tympanique très dur. Les baleines émettent de puissants signaux dans des fréquences très basses, de l’ordre de 20 hertz. Ces infrasons peuvent parcourir des centaines de kilomètres. En revanche, contrairement à l’expression répandue, il ne s’agit pas du chant des baleines. Ce sont les marsouins, des baleines à dents, qui émettent des faisceaux de sons pour détecter leurs proies ou des obstacles. C’est ce qu’on appelle l’écholocation, une sorte de sonar.</p>

<p>La baleine de Luc sur Mer est un « petit » rorqual commun, d’une vingtaine de mètres et sans doute environ 30 tonnes, en comparaison aux grands rorquals qui peuvent mesurer 30 mètres et peser 100 tonnes. Ces animaux parcourent des distances phénoménales. Ils dépendent du froid pour leur nourriture quel l’on trouve en abondance dans les zones polaires. Mais ils dépendent des eaux beaucoup plus chaudes pour se reproduire. De sorte que chaque année, le rorqual commun, qui vit l’hiver dans les eaux arctiques, descend au printemps vers les mers chaudes. Ce spécimen échoué en Normandie devait certainement être en route pour les mers chaudes, en empruntant une voie bien connue de migration, qui passe par la mer du Nord, la Manche, ou alors par le nord de l’Ecosse et la Manche. Il s’agit d’un jeune mâle qui n’était pas encore nubile. Et pourtant, il avait déjà bien vécu. On note en effet de nombreuses traces de fractures ressoudées sur ses côtes.</p>

<p>La reproduction des baleines a lieu au large de l’Afrique. La femelle accouche dans ces mers chaudes, puis doit allaiter son petit jusqu’à le rendre suffisamment viable pour qu’il reparte l’hiver suivant dans les mers du nord. Ce qui représente près de 3.000 kilomètres. C’est pourquoi le lait des baleines est une création galactogène intense.<br /> C’est un lait très épais, bien plus que le lait concentré que nous connaissons. Le petit va alors grandir d’une dizaine de centimètres par jours.</p> 

<p>Après cette riche présentation biologique de la baleine, Annick, en cape de chevalier de la confrérie de la baleine, nous a invités à nous diriger vers une salle municipale. Madame Legoux nous a offert quelques rafraîchissements avant de laisser la parole à Monsieur Pascal Lamy, historien. Ce dernier nous a expliqué qu’au moment de la Révolution, s’étaient installées sur les bords de mer des industries de salaison.<br /> Ce développement économique a entraîné la construction de nouveaux bâtiments comme des ateliers de salaison, les habitations des armateurs, les logements des ouvriers, ainsi que des lieux de détente comme les cabarets. Parmi eux, au coin de la rue de la mer, se trouvait celui de Monsieur Pierre Launay. Celui-ci eut deux enfants. Son fils, également nommé Pierre Launay, devint négociant en poissons salés. Il épousa Marie-Louise Lemarchand, fille du propriétaire des champs aujourd’hui devenus le parc de la baleine. En 1838, ils débutèrent la construction de l’hôtel de ville qu’ils habitèrent jusqu’en 1863. En revanche, ils s’occupèrent peu du parc. En 1863, ils vendirent la propriété à la famille Bergeot. C’est Frédéric Bergeot et ses deux fils qui œuvrèrent particulièrement pour l’aménagement du parc. Ils installèrent notamment un circuit d’eau pour irriguer les plantations, ils construisirent un petit kiosque dont il ne reste plus aujourd’hui que le socle, etc. Dès cette époque (fin du <abbr title=19e siècle), la famille Bergeot a souhaité que le parc, bien que privé, soit ouvert à tous.
Puis en 1903, il fut vendu à la famille Lécuyer. Celle-ci l’entretint jusqu’en 1933, date à laquelle elle le vendit à la municipalité de Luc sur Mer. Il fallut toutefois attendre 1935 pour que le maire, Pierre Laurent, décide d’y installer l’hôtel de ville et de faire du parc attenant un parc municipal.

Pascal Lamy à ici souhaité saluer le formidable travail des jardiniers qui, au fil des années, ont accompli un travail formidable pour entretenir ce par cet ses arbres exotiques.

C’est cet espace qui accueillit en 1938 le squelette de la baleine après quelques pérégrinations. En effet, le cétacé s’échoua en janvier 1885 sur la plage de Lang rune sur mer, de l’autre côté de la douvette, aussi appelée Capricieuse, ce petit ruisseau qui sépare les deux communes. Mais une baleine qui s’échoue n’appartient pas au propriétaire du terrain. Elle appartient au ministère de la marine. Or ce dernier la revendit à la ville de Caen qui la fit examiner au laboratoire maritime de Luc sur Mer. Son squelette fut ensuite exposé dans l’église du Vieux Saint-Sauveur, avant d’être déplacée, car trop encombrante, vers le jardin des plantes sous un abri construit exprès.
Puis dans les années 1930, la ville de Caen choisit de s’en séparer. C’est Pierre Laurent, alors maire de Luc sur Mer, qui accepta de la récupérer. Et c’est ainsi que, depuis 1938, le squelette de ce gigantesque animal est installé dans le parc municipal. En 1966, fut créée la confrérie des chevaliers de la baleine, pour honorer l’incroyable cétacé. L’an prochain, elle célébrera ses cinquante ans.

Aujourd’hui, comme alors, de nombreux touristes lui rendent visite, mais rares sont ceux qui, comme moi et Bernadette, accompagnées d’Annick et Nicole, ont eu la chance de pénétrer dans ses entrailles….
Nous avons ainsi pu toucher ses énormes côtes, son sternum démesuré, son rostre et ses fanons, puis ses immenses vertèbres.

Un grand merci à Annick Noël pour l’organisation de cette sortie particulièrement agréable et enrichissante. Merci également à Nicole Bloquel d’avoir partagé avec nous sa science des arbres et à Francis Bénard pour nous avoir transmis ses connaissances de la baleine. Enfin, pour ceux qui souhaiteraient en savoir un peu plus sur l’histoire de Luc-sur-Mer et des Lutins, n’hésitez pas à vous procurer le livre de Pascal Lamy, « Luc au fil du temps ».

Rédigé par Emmanuelle Gousset, le 28 août 2015.

***