Compte-rendu de la visite descriptive au musée des Beaux-Arts du 14 avril 2018

Ce samedi 14 avril, quelques membres de Cécitix ont pu profiter de la visite descriptive proposée par le musée des Beaux-Arts de Caen dont l’objet était Etienne-Marin Mélingue.

Claude Lebigre nous a entraînés juste au pied de l’escalier principal pour découvrir un grand portrait au pastel d'Etienne-Marin Mélingue, marouflés sur toile, c’est-à-dire au papier collé sur la toile. Ce portrait a été réalisé par Eugène Girault, peintre et pastelliste né en 1806, favori de la princesse Mathilde sous le second empire.
Mélingue y est représenté cheveux au carré, moustache en guidon de vélo, regard rêveur, un peu noir, le teint rosé. Il se tient très droit, bravache, main gauche sur la hanche. Il porte une chemise de fin lin blanc, déboutonnée, et sans cravate. Ses manches sont bouffantes. Il tient dans sa main droite un masque de la commedia dell'arte, un masque de Scapin. Sur sa hanche droite, une épée. Il est ici représenté dans le rôle de Salvatore Rosa. Ce dernier était un peintre, figure très romantique, à la vie particulièrement dissolue. Il est connu pour avoir fait la comédie pendant un carnaval à Rome. Capturé par des brigands, Rosa a eu l'idée de faire le portrait du chef des brigands. Mélingue a alors joué Rosa en réalisant lui-même sur scène le portrait du chef des brigands.
Mélingue a également interprété Cellini sculptant Hébé. La pièce a tellement de succès que la sculpture d'Hébé qu'il a réalisée sur scène a été fondue en bronze et vendue à de multiples exemplaires.

Etienne-Marin Mélingue était en plein dans sa gloire. Formé à l'école des Beaux-Arts de Caen par Odellie, ce dernier trouvait à Mélingue de grands talents de sculpteur. Mais le jeune homme ne rêvait que de brûler les planches.

Cette œuvre de Girault a été préservée de la guerre car elle était conservée à l'école des filles. Elle a été récupérée par le musée en 70, restaurée, nettoyée grâce à l'exposition Mélingue.
Le bombardement a malheureusement détruit tous les plâtres et de nombreuses œuvres que les enfants de Mélingue avaient données au musée.

Des aquarelles réalisées par son fils Gaston retracent le mythe d'Etienne-Marin Mélingue. Plusieurs scènes importantes de sa vie sont évoquées :

Mélingue a eu une enfance mélodramatique. Il est né à Caen rue des Carmes en 1807, d'un père Manchois militaire révolutionnaire puis douanier. Les parents se sont installés rue Saint-Jean. Sa mère est morte après la naissance de son second fils Pierre-Adolphe.
Etienne-Marin rêvait de devenir comédien, mais son père l'inscrivit à l'école des Beaux-Arts (formé par Helouis). Le jeune homme était très indiscipliné. En 1902, est paru "une vie d'artiste" de Dumas, qui relate la vie de Mélingue.

Les deux garçons Mélingue étaient très aimés par leur père, assez autoritaire. Les deux enfants étaient souvent seuls et dormaient dans le grand lit du père tandis que le père dormait dans le petit lit.
C’est là encore une scène représentée dans les aquarelles.

Après l'école, les deux garçons devaient passer devant la Cour Massart (cour des massacres). Cette cour était connue pour être l'endroit où les étudiants en médecine (les écorcheux) faisaient leurs dissections.
La légende dit que le jeune Pierre-Adolphe, avant de mourir, aurait demandé à son père de ne surtout pas être soumis aux écorcheux. Son père aurait versé de la chaux vive sur le cadavre du petit.

Etienne-Marin, à 12 ans, reçut un prix de sculpture. Mais comme il était peu assidu, son père le bastonna. Un jour, Etienne-Marin entra dans l'ancien théâtre. Il rencontra quelqu'un qui le baptisa comédien.

Un jour le jeune Mélingue est engagé comme sculpteur pour représenter la madeleine à Paris. Là, il rencontre Hyppolite, un autre Normand passionné de comédie lui aussi. Ils sont engagés pour une tournée en Belgique. Mais ça ne marche pas du tout. Ils n'ont plus un sou. Ils rentrent à pied de Belgique jusqu'à Caen.
Ils arrivent en plein hiver à Caen, et Mélingue découvre que son père a déménagé. Il lui faut retrouver son père.

Le père recueille son fils fiévreux. Il raconte alors sa vie à son fils. Il raconte qu'il a fait mourir sa sœur d'émotion : si heureuse de le retrouver après la guerre, elle est foudroyée par une crise cardiaque.

Etienne-Marin se rétablit. De retour à Paris, il est recommandé à madame Duchesnois. Il rencontre monsieur Démaré qui lui propose un contrat aux Antilles. Là-bas, une révolte éclate, et les théâtres sont fermés. Il n'a plus d'argent pour revenir. Alors il va peindre des portraits de tous les notables. Mais il n'y a plus de toile. Il utilise donc la toile d'un tambour qui est une peau d'âne. Le commanditaire est ravi. Mais très vite, avec la pluie et l'humidité, la peau d'âne se distend et le portrait enlaidit. Mélingue la retend et gagne assez d'argent pour rentrer au Havre.
Au Havre, il sculpte notamment une énorme sculpture de Corneille. Elle est si grosse qu'elle ne peut sortir de l'atelier.

C'est le début du succès. Le point décisif, c'est sa rencontre avec Dumas, en 1834, 36. C'est Dumas qui va lui donner ses grands rôles. C'est d’ailleurs Mélingue qui a créé les rôles de D’Artagnan ou Fanfan la Tulipe.

Il va continuer à peindre tout en exerçant ses talents de comédien. Cet homme était d'une grande douceur, contrairement à ses deux fils, Gaston et Lucien. Ce sont ces derniers qui vont tout faire pour préserver l'œuvre de leur père.

Deux sculptures de Mélingue sont exposées, mais nous ne pouvons les toucher. Elles viennent de la Comédie Française. Les aquarelles quant à elles ont pu être conservées car elles étaient la propriété de la bibliothèque.
Ont aussi été retrouvées deux grisailles de ses fils. Elles appartiennent à la maison de Victor Hugo. Sur les deux, Etienne-Marin Mélingue est en costume de théâtre.
Ces deux grisailles sont dans de jolis cadres noirs, en bois guilloché, dans l'esprit flamand. Elles ont été réalisées par les fils Mélingue.
Toute la famille était artiste.

Claude nous a ensuite présenté des costumes de théâtre tels qu’en portait Mélingue.

Nous avons ainsi pu toucher une tenue bleue turquoise, toute brodée, en 3 pièces, pesant plusieurs kilos. Nous avons découvert un autre costume, noir à manches bouffantes, avec du cuir, du lainage, du velours, tout lacé dans le dos. Il s’agissait certainement d’un costume de Ruy Blas, costume très élégant, avec des noirs différents selon les textiles.

Nous avons ensuite palpé une robe de femme, style 18e : corsetée, lacée dans le dos, avec un travail sur le devant de ruche, de broderies et de perles. Elle était argent et or.

Claude nous a présenté une autre robe, jaune moutarde, au décolleté généreux, avec des dentelles, des broderies et des perles.

Par-dessus, les dames portaient un grand domino, une cape soyeuse noire que nous avons pu tenir entre les mains, de même qu’une cape d'homme, noire doublée de satin rouge. Avec un grand chapeau de feutre, on a le costume de Salvatore Rosa.

Pour finir la présentation de ces costumes, Claude nous a montré une petite fraise, en tissu écru, festonnée de doré.

Puis notre conférencière nous a emmenés dans le cabinet des estampes.
Elle nous a fait toucher un bronze : L'attente. Il s’agit d’une pêcheuse à pied qui attend son marin de mari. C’est une belle femme avec son panier sur l'épaule.

Comme on ne peut pas toucher les bronzes de Mélingue prêtés par la Comédie Française, elle nous fait toucher cette pêcheuse de Laurent pour nous faire une idée du style.

Les bronzes de Mélingue représentent des dramaturges : Corneille et Racine.
L'artiste fait le modelage, en glaise, sur une structure métallique ou en bois. Il le confie au bronzier qui coule le bronze.

Pour terminer la visite, nous parcourons les aquarelles des fils retraçant les aventures de leur père. Mélingue est mort en 1875.

Une fois de plus, nous avons beaucoup apprécié cette visite riche de sensations et de culture. Un grand merci à Claude pour son excellent travail d’adaptation. Rendez-vous pour la prochaine visite le samedi 16 juin.

Rédigé par Emmanuelle Gousset, le 2 mai 2018.

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