Compte-rendu de la remise officielle de l'atlas à Monsieur Joël Bruneau Maire de la ville de Caen

Le samedi 20 juin 2015, dans le cadre symbolique du musée des Beaux Arts, l'association Cécitix a remis officiellement à Monsieur Joël Bruneau, maire de Caen, l'atlas tactile et en couleurs de la ville.

Après avoir accueilli des spectateurs venus nombreux, Emmanuelle Gousset a retracé l'historique de la réalisation de l'atlas.

1. Origine du projet

Dès la création de Cécitix, la nécessité d'un support tactile d'aide aux déplacements nous a paru évidente. Dès lors, des réflexions étaient en germe, s'appuyant sur les expériences « tactilo-visuelles » des membres de l'association. Dès 2005, quelques adhérents participaient à un stage de communication graphique et dessin tactile à la Cité des Sciences et de l'Industrie, animé par Hoëlle CORVEST, chargée de l'accessibilité pour le public déficient visuel, Christian BESSIGNEUL, président de l'IRAG (Institut pour la Recherche d'Applications Gravées), et Michel BRIS, Professeur à l'Institut National Supérieur pour le Handicap et l'Enseignement Adapté.
Puis des contacts ont été établis entre CÉCITIX, Madame Sonia DE LA PROVÔTÉ alors maire adjointe en charge du handicap, et la Cité des Sciences.
Nous nous sommes alors intéressés aux travaux déjà réalisés comme à Rennes, autour de l'AVH à Paris, à Strasbourg et surtout à Genève (plan développé par l'Université de Genève). Ces découvertes nous ont permis de déterminer les écueils à éviter et les points importants à inclure dans notre projet.

2. Rédaction d'un cahier des charges

Avant de nous lancer dans la réalisation de l'atlas, il nous a paru essentiel de rédiger le plus précisément possible nos exigences :
- Accessibilité aux aveugles et malvoyants (donc relief, braille, couleurs et grands caractères) permettant une communication avec les personnes voyantes.
- Possibilité de créer des points de repères pour faciliter les déplacements : liaison entre quartiers, situation des principaux lieux de vie dans la ville, définition de trajets de déplacements, etc.
- Représentation du tissu urbain à travers sa géographie et aussi son histoire afin de permettre une meilleure compréhension des enjeux citoyens et de faciliter la participation aux diverses instances municipales.
- Définition d'un format permettant une exploration tactile ergonomique (exploration dans une position assise ; format devant être limité en largeur et profondeur).
- Développement d'un concept de représentation à plusieurs niveaux permettant un aller-retour entre représentation globale et représentation détaillée.
Ce cahier des charges a été validé par Christian BESSIGNEUL.

3. Travaux du groupe de travail et recherche de partenaires

Un premier groupe de travail a commencé à réfléchir à la mise en place du concept défini dans le cahier des charges. Puis nous avons entamé des recherches de partenaires techniques pour l'élaboration des cartes.
Nous avons rencontré un accueil plutôt enthousiaste de l'école d'architectes de Rouen, mais qui est demeuré sans suite de sa part.
Un second groupe de travail a été constitué en 2010 suite à la rencontre de Mathilde SOUDÉE, étudiante en Master 1 de géographie. Ce groupe était en outre composé de trois personnes aveugles et une malvoyante.
En février 2012, un stage de lecture graphique et dessins en relief était organisé par le musée des Beaux Arts, faisant intervenir les professionnels de la Cité des Sciences. Environ 26 personnes, (13 déficients visuels et 13 voyants), ont pu bénéficier de ce stage.
Nous nous sommes également rapprochés de la municipalité, notamment Monsieur Gilles DÉTERVILLE alors maire adjoint en charge du handicap, grâce à Madame Isabelle HOULLEY, directrice de la mission ville handicap du CCAS.
Mathilde a poursuivi son Master 2 sur le thème de l'atlas et a pu effectuer son stage au sein du CCAS. Elle a réalisé pour CÉCITIX l'ensemble des demandes de financement qui se sont révélées fructueuses puisque nous avons obtenu le soutien de La ville de Caen, L'Agglomération Caen-la-Mer, Le Conseil Général du Calvados (aujourd'hui Conseil départemental), La Fondation de France, La Fondation Harmonie Solidarités, L'Association les Bouchons d'Amour (régionale et nationale), Le Groupe Intégrance, Les Opticiens Mutualistes, Le Magasin Leclerc de Caen et Le magasin Cora de Rots.

Mathilde a également pu poursuivre son travail à l'occasion d'un service civique de neuf mois, en 2013, au sein de CÉCITIX.
Durant ces périodes, le groupe, co-animé par Jean POITEVIN et Mathilde SOUDEE, a travaillé en collaboration avec Monsieur Pierre FUSTIER de l'imprimerie LAVILLE à Paris, à qui Emmanuelle a alors laissé la parole.

Monsieur Fustier lors de son intervention.

Légende de cette photo :
Nous voyons au pupitre Monsieur Fustier notre imprimeur lors de son intervention, le bras droit levé vers le public, il semble passionné par ce qu'il dit. A droite de la photo, de part et d'autre de la table sur laquelle est placé l'atlas debout bien en évidence, il y a Emmanuelle du côté de M. Fustier et de l'autre côté de la table Bernadette , Mathilde et Nicolas. Tous écoutent attentivement Monsieur Fustier et ont la tête tournée vers lui.
En fond de photo il y a le tableau de Morellet et sur l'écran une vue du diaporama de Monsieur Fustier.

Pierre Fustier a insisté sur l'importance du "tactilo-visuel" pour permettre aux voyants, malvoyants et non-voyants de travailler ensemble sur le même document, de partager le plaisir d'une même lecture.
L'objectif de cette technique est également de proposer aux aveugles des représentation graphiques, physiques, et non plus seulement par description textuelle.
Lorsque des clients lui disent « nous ne mettons pas d'informations en braille car il y a très peu d'aveugles qui le lisent », il objecte que, bien sûr, moins il y aura d'informations en braille, moins les aveugles auront l'envie et la nécessité d'apprendre à le lire. Pourtant, et c'est une évidence, l'écrit est fondamental : on ne structure pas un raisonnement, une pensée de la même façon quand on peut lire un document, écrire soi-même, se relire, anoter, modifier... On ne peut se contenter de la mémoire et d'éléments oraux.
Pour Pierre Fustier, quelqu'un qui devient aveugle à 20, 30, 40 ans et plus, qui n'a plus accès au texte « noir » et qu'on ne stimule pas à apprendre le braille, devient - même si le mot est chargé - analphabète, et c'est inacceptable. Inacceptable pour cette personne qui perd énormément dans sa capacité et son plaisir à apprendre, comprendre, raisonner et communiquer. Et inacceptable pour les autres car le fait d'être handicapé ne dispense pas de l'effort d'intégration sociale.
Le « tactilo-visuel » est une des réponses à cette nécessité d'accès à l'écrit et à l'image dans le plaisir du partage et du dialogue avec les voyants. Les déficients visuels ont ainsi d'une façon plus autonome, accès à l'information, à l'analyse, la réflexion, à l'élaboration d'un raisonnement plus poussé.

Grâce aux conseils de l'imprimeur, nous avons effectué de nombreux essais, d'abord à partir de maquettes réalisées par Mathilde au crayon 3D, puis à partir de dessins réalisés à l'ordinateur et mis en relief à l'aide d'une machine à thermo-gonflage. Ces tests ont permis de définir les types de graphiques à utiliser, de choisir les couleurs contrastées et le type d'indexage des rues, places et monuments, surfaces vertes et aquatiques.

Découpage :
Afin de nous conformer au concept en plusieurs niveaux, nous en avons défini trois : le niveau global (l'agglo), les niveaux intermédiaires (la ville sous quatre aspects : grandes structures, grands axes de circulation, quartiers et découpage en 33 carrés), et le troisième niveau représentant chacun des 33 carrés. En effet, un découpage en 20 carrés correspondant aux quartiers avait été envisagé, mais il eut alors été impossible de tout réaliser à la même échelle, d'où ce découpage en carrés égaux.

Chaque carte peut être lue séparément, ce qui permet une manipulation plus aisée et la possibilité de mise à jour de l'atlas carte par carte si nécessaire en fonction des modifications importantes qui pourraient intervenir dans le tissu urbain.

4. Rédaction d'un livret d'accompagnement

Deux livrets en braille et caractères agrandis avaient été envisagés. Mais un seul a pu être fait pour des raisons financières. Il s'agit de la liste alphabétique des rues, places, édifices, espaces verts et aquatiques. L'autre livret a été réalisé en format audio sur le CD d'accompagnement, reprenant les index des éléments, carte par carte.

5. Guide audio

Nous avons souhaité que les bénéficiaires de l'atlas ne soient pas livrés à eux-mêmes face à cet outil. C'est pourquoi Jean a rédigé un guide audio. Il a été enregistré sur un CD contenant le livret des légendes et un guide audio au format Daisy. Ce CD a pu être réalisé grâce à la contribution de 4 donneurs de voix bénévoles (Martine, Sylvie, Patrick et Philippe) et au travail technique de Jean et Nicolas, avec les conseils de membres japonais et indiens du consortium Daisy.

Le guide audio a été conçu pour permettre une exploration de l'atlas en gardant les mains sur la carte examinée. L'exploration d'une carte se fait par approches successives : d'abord les contours de la carte, puis via des itinéraires transversaux. Chaque description de carte contient également des informations concernant l'histoire de la ville et de son évolution géographique. En fin de fiche, on trouve aussi un petit exercice permettant de se familiariser avec la carte examinée.

Les participants ont alors pu entendre un extrait du guide audio de la carte 15 lu par Philippe.

Puis Emmanuelle a demandé à Bernadette de bien vouloir témoigner de sa découverte puis de son utilisation de l'atlas.
« Au départ, je le parcourais surtout pour découvrir mon quartier. Avec l'éducateur de chien-guide, j'ai repéré mon environnement proche, puis, en reprenant la carte 13 de l'atlas, j'ai pu faire le lien entre ma représentation dans l'espace, ma représentation intérieure, et cette représentation géographique par le toucher.
Au début, c'est en rentrant à la maison que je refaisait le trajet sur l'atlas. A présent, je cherche d'abord le nom de la rue où je veux aller, puis je découvre ce qui l'entoure.
C'est la première fois que j'avais accès à un tel outil. Ce que j'apprécie aussi, c'est le lien entre couleur et tactile. En discutant avec une amie voyante, j'ai pu constater que, elle regardant sur son smartphone et moi sur mon atlas, nous avions les mêmes informations. »

6. Distribution

Aujourd'hui, grâce à la générosité de nos financeurs, 30 exemplaires ont pu être distribués gratuitement à des personnes déficientes visuelles résidant dans l'agglomération Caen la Mer. 21 exemplaires ont été remis à nos partenaires (financeurs, associations œuvrant autour du handicap visuel, MDPH, musée, etc.). L'agglomération Caen la Mer en a acheté 50 exemplaires, dont 15 ont été répartis entre ses bibliothèques et 25 remis aux communes constituant l'agglomération.

Emmanuelle Gousset a alors remis un atlas à Monsieur Bruneau qui a exprimé de sincères remerciement à l'association Cécitix. Il nous a également félicité pour notre dynamisme, notre implication, et aussi pour la persévérence de l'action menée sous plusieurs mandatures. Il a remarqué notre capacité de mobilisation des acteurs publics et privés.
Il a évoqué l'action des pouvoirs publics depuis la loi de 2005, plutôt polarisée sur l'accessibilité physique, mais trop peu sur les handicaps sensoriels ou mentaux.
Pour Monsieur le maire, il est important d'aller au-delà de la simple accessibilité vers toujours plus d'inclusion. Cela passe par une plus grande accessibilité non seulement des services publics, mais aussi de la culture et des services culturelles. C'est pourquoi il a tenu à féliciter les musées des Beaux Arts et de Normandie pour leurs actions en direction des publics handicapés, notamment déficients visuels.

Monsieur Joël Bruneau  lors de son discours à la remise de l'atlas.

Légende de cette photo :
de part et d'autre du pupitre Monsieur Joël Bruneau Maire de Caen et Emmanuelle Gousset Présidente de Cécitix et sur le pupitre l'atlas.
Un peu sur le côté droit en arc de cercle il y a Bernadette, Mathilde et Jean et au milieu Vanis

Cette cérémonie s'est achevée par la visite descriptive de l'exposition François Morellet, au sein du musée, dont vous trouverez le récit dans la rubrique Beaux-Arts.

Documents en téléchargement

Rédigé par Emmanuelle Gousset, le 26 juin 2015.

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